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LA REVANCHE DU PEINTRE (fiction)

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LA REVANCHE DU PEINTRE (fiction)

Message par Clotilde Marceron » 11 Mars 2013, 22:37




Grimaçantes, c’est ainsi qu’elles se montrent, les gamines d’Auvers, se montrent et se pavanent devant le peintre roux.
Grimaçantes et langues bien pendues, et laides comme des poux.
Qu’elles aient une fleur à la main ne change rien : grimaçantes et vilaines, et vilaines et méchantes, c’est ainsi qu’il les voit, et qu’ailleurs, dans d’autres toiles, et plus âgées, on les connaît, vêtues d’une robe violette à col monté, lorgnon au bout du nez : vieilles pies corsetées, usurières sans remords, sacristines, ou même vagues cousines perdues dans les fleurs jaunes d’une tapisserie.
Mauvaises assurément. Mauvaises comme le sont les enfants quand ils singent l’adulte, ou quand on les utilise, colportant le mépris et la condamnation, bourgeons d’un ordre social qu’ils subiront pourtant, plus qu’ils n’en jouiront.

Ces deux pestes, donc, que le rouquin déteste, voici qu’il les peint.
Et les peignant, voici qu’il les épingle, poupées d’un mauvais sort qu’il exorcise, puisque peignant, il existe, et respire au-dessus des ragots, et se jette debout dans l’avenir du temps, bien plus libre et plus vaste que ce ciel bas d’Auvers, qui mange la lumière, et avec elle, l’espérance.
Il existe et leur échappe, comme il a échappé aux autres, les gamins brunis au soleil d’Arles et méchants tout comme, qui un jour de grand froid, là-bas, l’avaient coursé en se moquant. Un jour bleuté d’hiver s’attardant trop longtemps, hiver à désespérer, hiver à se maudire, hiver à en finir, à se jeter dans le Rhône, ou dans l’absinthe, ou dans la peinturlure, ce qui pour lui, le roux extravagant, est à peu près équivalent.

Moqueurs et ricanants qu’ils étaient, ces gosses, à le harceler pour rien, pour rire, et parce que la rue entière, derrière eux, s’amusait de leur petite tyrannie, alors qu’ils le guettaient sur le chemin qui va au fleuve. Et au-delà du fleuve, vers le pont de Trinquetaille et ses oliviers argentés, qui dans le tourbillon du vent l’obsédaient, lui le peintre, jusqu’à l’hallucination.
Pervers et patoisants, ces gosses, de ce patois que le hollandais ne parlait pas, mais la moquerie blesse dans toutes les langues, il n’est pas nécessaire de la comprendre pour qu’elle écorche au sang.

Renforcés qu’ils étaient d’être nombre, et d’avoir derrière eux tous les bien-pensants de la ville, les bourgeois et leurs notaires, le commerce et la maréchaussée, la curaille et son bénitier.
Et renforcés qu’ils étaient surtout, les mioches, face à l’étranger qui claudiquait sous son lourd chevalet, face à son chapeau qui s’effilochait, à son regard farouche, -n’a-t-on jamais vu ça par ici, cette peau rouge et ces poils roux-, renforcés qu’ils étaient de ce grain de pouvoir, et du plaisir malin qu’ils caressaient en leurs poches : des cailloux.


Clotilde Marceron
 
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